jeudi 6 mars 2014

"De l'autre côté de la porte" le Bonheur? (document radiophonique de Déborah Fabré)

"De l'autre côté de la Porte"
Mardi, la nuit. Je ne dors plus et mes oreilles se perdent sur la fréquence de France Culture. Sur les Docks. A ouais, une émission que j'aime bien, juste avant que le soleil se lève. Mais aujourd'hui est particulier parce que je vais faire la rencontre pour la première fois d'un univers sonore que je n'avais pas imaginé comme ça. Merci Déborah d'avoir crée ce document radiophonique d'un autre genre qui va pousser la porte dans un endroit où on ne va jamais et pourtant où vivent des hommes, des femmes, adultes et presque comme tout le monde: avec leurs peurs, leurs chansons, leurs rires, leurs amoureux(ses). 
"Z" est mon meilleur ami. Mon seul ami. Un homme qui marque toutes les personnes qui le rencontrent, qui a fasciné ma chèrie, mes soeurs, ma maman sans que j'ai eu grand chose à dire parce qu'il est profondément sensible, intelligent et lui-même, libre, un peu sauvage et surtout en guerre contre le trop-sage qui a grandit en lui trop vite. Au cours de longues marches à s'écouter narrer nos meilleurs souvenirs, et les pires, de notre enfance j'ai été très intriguée parce qu'il porte en lui une histoire qui reste souvent secrète, comme la propriété des familles heurtées, meurtries, bouleversées par l'autisme. 
En lisant les témoignages de Josef Schovanec et Temple Grandin, tous deux avec autisme "Asperger", j'ai compris pas mal de choses des difficultés vécues de l'intérieur par ces personnes pas si différentes mais loin de nos modes de communication classique. J'avais suivi les travaux d'Howard Buten. Mais les anecdotes de "Z" sont parfois si violentes, si inattendues qu'elles m'ont plongé dans une grande perplexité, comme lui "enfant dit normal" a-t-il pu se construire au côté d'une grande soeur tardivement diagnostiquée "autiste assez profond" à l'aube des années 80? Et surtout comment a-t-elle grandi, elle, que vit-elle? Il a été si heureux de m'apprendre qu'à presque 40 ans elle a enfin réussi à aller chez le coiffeur sans en être traumatisée et j'étais si heureuse avec lui! Et voilà que ce matin là Déborah Fabré nous propose d'entrer dans son lieu de travail et d'entendre la vie sonore d'un foyer d'autistes "adultes". Avec maintes précautions elle introduit son reportage radiophonique et dans le calme d'un jour a peine debout je suis entrée derrière elle et j'ai découvert une vie. Bien sûr on se pose des questions, bien sûr on s'interroge sur leur ressenti, leur quotidien, les motivations du personnel accompagnant, la vie de leurs proches,..., pourtant Déborah a le mot juste: soulignant lm'interpellation classique des gens landas dans la rue elle repète: "Les pauvres? Pourquoi les pauvres? Il y a aussi du bonheur" Et c'est ce bonheur qu'elle parvient à nous faire rencontrer, à nous faire entendre. Au delà de leurs peurs, leurs frustrations, le racisme ordinaire qu'ils essuyent ils sont des amoureux célibataires qui aiment comme nous les calins, les chansons, les cadeaux, les bisous...
C'est une rencontre qui m'a dérangée et que j'ai adorée en même temps. J'y mettais les images de ces amies trisomiques que mes parents ont eu la bonne idée de nous faire connaitre dans notre enfance pour qu'elles fassent parties de notre monde "normal". La fameuse "toux" discrète lorsque la personne est génée, vaguement honteuse, discrète sur elle et en même temps intarrissable en tête à tête, c'est la leur, c'est la notre, tout pareil.  NON est leur mot préféré, brandi comme un drapeau blanc, est-ce aussi parfois un "merci"? Une des adultes avait ce "je ne sais quoi" d'impudeur, de tendresse révoltée, d'impertinence, comme une adulte qui aurait su preserver un peu d'enfance, bien plus forte que nous donc.
"Z", ai-je ne serait ce que frôlé ton univers à travers cette expérience, mes lectures, mon écoute? Je sais que ça fait mal, que c'est simple et très compliqué en même temps, que c'est indiscible forcément et qu'on ne te donne pas toujours la possibilité de t'exprimer. Pourtant sur ce sujet tu as des choses à dire, à nous apprendre. Témoigne si tu en as la force  

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Présentation par Déborah Fabré:

Quand on les croise dans la rue, on les regarde curiosité voire même avec dégoût. On peut aussi simplement choisir de les ignorer, par gêne. Mais lorsqu'on passe la porte, que l'on pénètre leur maison, leur univers, la rencontre devient possible. Il suffit de tendre l'oreille.

Je passe cette porte depuis seize ans, pour travailler à leurs côtés. Je suis éducatrice spécialisée avec des adultes handicapés mentaux sévères à profonds. Je vous invite à passer le pas avec moi. A écouter leur quotidien, à comprendre nos joies, nos peines, nos peurs, leur bonheur.

A la manière d'un carnet de voyage, ce documentaire tend à faire tomber les barrières du handicap mental, en s'y confrontant sans alarme ni gêne. Une plongée au coeur même de l'intimité d'un métier et de la vie de personnes authentiques et sans artifices, le plus souvent, mues par un énorme besoin d'amour.

Réalisation: Déborah Fabré Prise de son, montage, mixage: Gregor Beck Illustration: Isabelle et Jean-Pierre
Production : Une co-production de l'acsr et de la RTBF, avec le soutien du FACR de la Fédération Wallonie-Bruxelles et du fonds Du Côté des ondes ( SCAM-SACD et le service de la Promotion des Lettres)



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